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« Toute culture a été autrefois un culte », Jean François Colosimo (Emission « C. dans l’air », 26 juillet 2016).
 

On attribue à la religion un caractère matriciel. La culture en effet, aussi loin qu’on puisse remonter, commence par le mythe et le rite. Même les gestes techniques, dans les sociétés tribales, sont imprégnées de croyances magiques ou surnaturelles. C’est vrai de la chasse, de la guerre, de l’agriculture. L’histoire, aussi, s’origine dans le mythe : « La fable est la sœur aînée de l’histoire », disait Voltaire. Mais la culture ne va grandir qu’en s’émancipant du « culte », la technique de la magie, l’histoire du mythe. Voltaire s’en réjouit, lui le grand sectateur des progrès des sciences, des lettres et des arts. Rousseau, son adversaire des Lumières, attribue pourtant aux perfectionnements de la culture un caractère corrupteur. C’est vrai de la technique :  « Ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes et perdu le genre humain » (Discours sur l’origine de l’inégalité). C’est vrai aussi du savoir livresque : Rousseau regrette dans le Discours sur les sciences et les arts l’invention de l’imprimerie, qu’il réduit à « l’art d’éterniser les extravagances de l’esprit humain » !

Et depuis Rousseau, la nostalgie du « naturel » ne cesse de hanter le monde d’artifices raffinés qui nous encombrent – ce bric à brac d’objets et d’idées qui bloque tout horizon. On dirait que plus la culture se complexifie, plus grandit, contre elle, un réquisitoire accablant, comme une ombre portée s’allongeant au crépuscule. Il nous semble pourtant que ce n’est pas la culture qui est en cause, avec sa créativité parfois géniale, que le « culturel », qui en est la caricature. Le « culturel », c’est la production en masse des industries du divertissement et du mercantilisme. C’est le triomphe du stéréotype qui anesthésie l’esprit plus qu’il ne l’éveille. Il nous semble qu’entre le culte et le culturel, la culture est ce moment miraculeux où l’homme prend en main sa liberté dans la création. C’est ce moment décisif que le cours de philosophie va ici tenter de valoriser, dans l’éducation, l’art, le langage, l’histoire… quand l’esprit triomphe du poids des stéréotypes et des conditionnements. Laissons le dernier mot à un procureur du « culturel », Jean Clair :
«… des effigies sacrées des dieux aux simulacres de l’art profane, des œuvres d’art aux déchets des avant-gardes, nous sommes, en cinquante ans, tombés dans le ‘culturel’ : affaires culturelles, produits culturels… et pourquoi pas ‘directeur du marketing culturel’.» Jean Clair, L’hiver de la culture, 2011.
Il vomit, vous l’avez compris, «l’inflation du culturel»… qui nous tient lieu de religion !